La dynamique commerciale observée chez On Running au premier trimestre 2025 ne s'est pas construite au détriment de la rentabilité brute. Avec une progression de 43 % du chiffre d'affaires (cf. notre premier article) et une marge brute stable à 59,9 % (+0,2 point), l'entreprise suisse a démontré sa capacité à préserver ses fondamentaux économiques dans un contexte de forte croissance. Cette stabilité masque cependant une complexité croissante dans la gestion des charges opérationnelles, une montée en puissance des coûts structurels et des effets de change qui pèsent lourdement sur le résultat net.
Une marge brute préservée grâce au DTC
Entre janvier et mars 2025, On Running a généré un résultat brut de 435,3 millions de francs suisse (460,2 millions d'euros), en progression de 43,5 % par rapport à l'année précédente. Cette amélioration s'explique mécaniquement par la progression du chiffre d'affaires, mais aussi par un mix produit et canal plus favorable. La part croissante des ventes directes (DTC), qui offrent des marges unitaires supérieures, a permis de compenser l'effet de l'inflation des coûts logistiques et d'approvisionnement. Le coût des ventes, en hausse de 42,2 %, a crû légèrement moins vite que les revenus, ce qui contribue à la légère amélioration du taux de marge brute.
Note : Comme analysé dans le précédent article, le DTC a progressé de 45,4 %, atteignant 276,9 millions de francs suisse (292,7 millions d'euros), représentant désormais 38,1 % des ventes, contre 37,5 % au T1 2024. De son côté, le coût des ventes a augmenté de 42,2 %, à 291,3 millions de francs suisses.
Une structure de coûts en mutation
Les dépenses opérationnelles ont augmenté de 35,3 %, atteignant 358,2 millions de francs suisse (378,8 millions d'euros). Rapportées au chiffre d'affaires, elles représentent 49,3 % du total (contre 52,1 % en T1 2024), une amélioration relative qui souligne une montée en productivité, bien que des tensions émergent sur plusieurs postes.
Les coûts de distribution, en baisse à 11 % du chiffre d'affaires (contre 13,9 % un an plus tôt), traduisent des gains d'efficacité dans la chaîne logistique. Ce recul est un signal positif : il reflète des investissements passés dans les infrastructures d'entreposage et une meilleure rationalisation des flux.
Les dépenses commerciales, à l'inverse, progressent de manière significative (8,4 % des ventes, +1,6 point), impactées par l'expansion du réseau de magasins. L'augmentation des charges de personnel et des amortissements liés aux nouveaux points de vente matérialise le virage vers une présence physique plus affirmée – une orientation stratégique assumée, mais plus coûteuse à court terme.
Le marketing, relativement contenu à 11,1 % du chiffre d'affaires (contre 12,1 %), profite de la croissance globale. L'effet de levier permis par une base de revenus élargie permet de maintenir la pression publicitaire sans accroître la part budgétaire allouée. Cela suggère une efficacité croissante des campagnes et un effet réseau bénéfique à la marque.
Les dépenses générales et administratives augmentent légèrement, atteignant 16,9 % des ventes (+0,9 point), tirées par des charges exceptionnelles et des investissements dans les fonctions support (ressources humaines, technologie). Ces dépenses traduisent la nécessité d'outiller une organisation en croissance rapide, mais elles marquent également une montée en complexité.
Une performance opérationnelle en amélioration
Le résultat d'exploitation atteint 77,1 millions de francs suisse, le double du résultat réalisé l'an dernier. Cette évolution positive est le fruit d'un effet de ciseau favorable : les ventes croissent plus vite que les charges, malgré une base de coûts plus large. Cela montre une capacité à convertir la croissance en levier opérationnel – un marqueur important pour une entreprise en phase d'expansion.
Mais cette dynamique est partiellement remise en question plus bas dans le compte de résultat. Le résultat financier net, fortement négatif à -13,1 millions de francs suisse (-13,8 millions d'euros), vient effacer une grande partie du progrès opérationnel. La principale explication réside dans l'effet de change : alors que l'an dernier, On avait enregistré un gain de change exceptionnel (+78,8 millions de francs suisse), la période actuelle se solde par une perte de -14,5 millions de francs suisse, en lien avec la réévaluation comptable des actifs en devises, notamment en dollar américain.
L'impact n'est pas seulement comptable : la volatilité monétaire constitue une source de risque structurelle pour une entreprise opérant à l'échelle mondiale tout en reportant ses comptes en francs suisse. La force du franc face aux monnaies de transaction pèse à la fois sur la compétitivité prix à l'international et sur la consolidation des résultats.
Une baisse du résultat net malgré la croissance
En conséquence, le résultat net ressort à 56,8 millions de francs suisse, en recul de 37,9 % par rapport au T1 2024. Ce contraste entre performance commerciale et contraction du résultat illustre une tension classique dans les modèle à forte croissance : la dynamique de top-line est réelle, mais sa traduction en profitabilité nette dépend de facteurs plus volatils et moins maîtrisables à court terme.
La baisse de l'impôt sur les sociétés (taux effectif de 11,3 % contre 21,1 % un an plus tôt) a permis d'atténuer la chute du bénéfice, mais ne suffit pas à compenser l'effet de change.
En somme, le premier trimestre 2025 confirme la solidité du modèle commercial d'On Running : croissance soutenue, amélioration opérationnelle et progression maîtrisée des charges. Mais il met également en lumière les limites du système à court terme. L'effet de levier financier est exposé à des facteurs exogènes – change, inflation, expansion physique – qui peuvent neutraliser les gains opérationnels.
Dans ce contexte, la poursuite de la croissance passera par une capacité à stabiliser la rentabilité nette dans un environnement de plus en plus complexe. On Running devra conjuguer efficacité opérationnelle, discipline sur les coûts structurels et anticipation des risques exogènes pour transformer durablement sa croissance en profit consolidé.
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