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Kevin Plank CEO d'Under Armour. Crédit image : Alan M Rosenberg / Associated Press |
Un an après un changement de direction retentissant, Under Armour avance dans sa refondation stratégique avec méthode, sobriété et détermination. Sous l'impulsion retrouvée de son fondateur Kevin Plank, redevenu CEO en avril 2024, la marque américaine tente de retrouver son identité originelle : celle d'un acteur résolument tourné vers la performance sportive, à contre-courant du tumulte marketing qui agite l'industrie du sportswear.
A l'opposé de ses années d'hyper-croissance et d'expansion tous azimuts, Under Armour opère aujourd'hui un virage prudent mais ambitieux. L'objectif n'est plus de courir après Nike ou Adidas, mais de consolider un positionnement haut de gamme, centré sur la valeur plutôt que sur le volume. Derrière la baisse attendue du chiffre d'affaires en 2026 se cache une transformation plus profonde, aux racines structurelles.
Kevin Plank, retour aux commandes et recentrage stratégique
Le retour de Kevin Plank à la tête de l'entreprise, près de cinq ans après son retrait sous la pression d'une enquête boursière et de performance erratiques, a été le signal fort d'un nouveau cycle. Son prédécesseur, Stephanie Linnartz, ancienne dirigeant de Marriott, avait amorcé un premier chantier de transformation, en recrutant une nouvelle équipe de direction et en posant les bases d'une stratégie omnicanale plus cohérente.
Mais c'est bien Plank qui imprime aujourd'hui le tempo, fort d'un diagnostic clair : Under Armour s'est éloignée de sa mission initiale, et doit reconquérir sa légitimité auprès des athlètes et des consommateurs exigeants. "Nous ne cherchons pas à être une marque de mode. Nous voulons être la meilleure marque de performance pour les sportifs", a-t-il rappelé dès sa prise de fonction.
Ce repositionnement implique des choix assumés : ralentissement de l'expansion internationale, recentrage sur les marchés historiques, réduction des promotions, rationalisation du portefeuille produit, fermetures ciblées de points de vente et de centres logistiques. L'objectif ? Mieux vendre, plutôt que vendre plus.
Un nouveau cap : élever la marque sans la diluer
Depuis un an, Under armour cherche à monter en gamme en cohérence avec son ADN. Cela passe d'abord par la fin d'une politique promotionnelle jugée excessive. La part des ventes e-commerce réalisées au prix fort est ainsi passée de 30 % à 50 % en un an, témoignant d'un changement de perception d'une discipline commerciale renforcée.
Ce retour à la valeur s'accompagne d'une refonte du discours de marque : moins de campagnes massives, plus d'activations ciblées, une narration centrée sur la technicité des produits et l'authenticité des usages. La ligne Curry Brand, portée par Stephen Curry, illustre ce repositionnement : segmentée, identifiable et performante.
En parallèle, la direction a réaffirmé sa volonté de se concentrer sur les catégories cœur – training, running, basketball – et de simplifier l'offre en supprimant les lignes moins cohérentes. Le design a été confié à John Varvatos, avec pour mission d'apporter une signature plus forte sans tomber dans le piège du lifestyle déconnecté.
Une restructuration logistique et maîtrise des coûts
Cette transformation ne va pas sans coût. Under Armour a lancé un programme de restructuration estimé à 160 millions de dollars d'ici la fin de l'exercice fiscal 2026. Parmi les mesures déjà engagées : la fermeture du centre logistique de Moreno Valley (Californie), des suppressions de postes dans la supply chain, et une revue complète des contrats de distribution.
Ces charges non récurrentes, qui ont déjà atteint 57,97 millions de dollars, pèseront encore sur les deux prochains exercices. Mais elles sont présentées comme le prix à payer pour bâtir une organisation plus agile, capable de soutenir une modèle économique plus qualitatif.
Le management insistent : il s'agit d'un investissement dans la robustesse future de l'entreprise, et non d'un simple ajustement conjoncturel. "Nous rééquilibrons notre empreinte pour mieux servir nos consommateurs, avec plus de précision, moins de redondance, et davantage de cohérence entre nos canaux", a souligné Kevin Plank devant les investisseurs.
Perspectives 2026 : une année de transition pleinement assumée
L'année fiscale 2026 (avril 2025 - mars 2026) ne marquera pas encore le retour à la croissance. Under Armour prévoit une baisse de 10 % à 12 % de ses ventes en Amérique du Nord, principal marché du groupe, en raison d'un nettoyage volontaires des canaux de distribution et d'un pilotage plus strict des inventaires. A l'international, la stabilité est attendue, sans rebond notable.
Globalement, le chiffre d'affaires devrait reculer de 5 % à 7 %, mais avec une amélioration de la marge brute estimée entre 75 et 100 points de base. Cette évolution témoigne d'un chiffre d'affaires de meilleure qualité, moins promotionnel, plus conforme au positionnement premium revendiqué.
Le résultat opérationnel, lui, devrait baisser significativement entre 50 et 70 millions de dollars, en raison des charges de restructuration. Mais l'entreprise vise un retour à une trajectoire bénéficiaire dès l'exercice suivant, avec un modèle assaini et une base plus saine.
Une refondation encore fragile, mais structurée
Under Armour n'a pas encore gagné son pari, mais elle semble avoir clarifié son ambition : moins de dispersion, plus de cohérence ; moins de volumes, plus de valeur ; moins de marketing globalisé, plus de narration ancrée. Cette stratégie exige patience et rigueur dans un environnement commercial encore instable.
Kevin Plank a repris la barre avec l'ambition de redonner du sens à une marque en quête de boussole. Il mise sur une équipe dirigeante renouvelée, une offre recentrée, une distribution épurée et une culture du produit réaffirmée. Reste à convaincre les marchés... et les consommateurs, que la performance, loin des projecteurs du lifestyle, peut redevenir désirable.
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