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Lululemon face au mur américain : croissance mondiale, crise domestique

Croissance solide à l’international mais chute en Bourse : Lululemon sous pression face au ralentissement américain et aux tensions tarifaires.
Croissance solide à l’international mais chute en Bourse : Lululemon sous pression face au ralentissement américain et aux tensions tarifaires. Crédit image : Lululemon Inc.

Lululemon ouvre son exercice fiscal 2025 sur une note contrastée : des indicateurs financiers en progression, mais une réaction boursière violemment négative. Avec un chiffre d'affaires en hausse de 7,3 % sur un an à 2,37 milliards de dollars, et un bénéfice net de 314,57 millions, la marque canadienne de vêtements de sport premium a pourtant dépassé les attentes des analystes. Mais ces performances n'ont pas suffi à rassurer les marchés : l'action a chuté de plus de 20 % dans la foulée de la publication. En toile de fonds, une révision prudente des perspectives pour le deuxième trimestre et des signes d'essoufflement sur le marché américain, qui représente encore plus de 70 % du chiffre d'affaires. Tandis que s'accélère à l'international, Lulu semble devoir repenser sa stratégie pour un marché domestique plus volatil.


Une croissance portée par l'international


Alors que le marché nord-américain affiche des signes de saturation, ce sont les performances internationales qui viennent soutenir la croissance globale de Lululemon au premier trimestre 2025. Les ventes sur le continent américain – qui pèsent encore 70,6 % du chiffre d'affaires total – n'ont progressé que de 2 %, et même affiché une baisse de 2 % en comparable aux Etats-Unis, ce qui reflète un net ralentissement de la dynamique commerciale sur son marché historique.

En revanche, la Chine confirme son rôle de moteur de croissance : avec une progression de 21 % des revenus dans le pays, elle représente désormais 15,5 % du chiffre d'affaires total, contre 13,7 % un an plus tôt. Cette performance, bien supérieure aux attentes du marché, s'inscrit dans une stratégie d'expansion volontaire dans la région Asie-Pacifique, où la marque continue d'ouvrir des points de vente physiques et d'accroître sa notoriété.

Le reste du monde – hors Amériques et Chine – affiche également une solide progression avec une hausse de 16 % des ventes, venant confirmer la pertinence de la stratégie d'internationalisation engagée depuis plusieurs années. Le nombre total de magasins est en légère hausse (0,4 %) à 770 unités, mais la surface commerciale augmente davantage, signe d'un repositionnement vers des points de vente plus vastes ou plus stratégiquement localisés.

En somme, la géographie des performances traduit une bascule progressive : le modèle, historiquement centré sur les Etats-Unis, trouve aujourd'hui ses relais de croissance à l'étranger, dans un contexte où la consommation américaine semble plus fragile.


Résultat contrasté entre retail et e-commerce


Au-delà des disparités géographiques, la répartition des revenus par canal de vente révèle également une dynamique contrastée. Lululemon continue de s'appuyer sur un modèle hybride mêlant boutiques physiques, e-commerce et vente dites "autres" (partenariats, franchises, événements...). Mais les tendances récentes soulignent une évolution à surveiller.

Sur le segment retail (magasins en propre), la marque a enregistré un chiffre d'affaires de 1,15 milliard de dollars, en hausse de 7,7 % sur un an. Un résultat légèrement en deçà des prévisions des analystes, qui tablaient en moyenne sur 1,17 milliard. Cette relative sous-performance reflète en partie le ralentissement du trafic en magasins, notamment en Amérique du Nord, dans un contexte marqué par une baisse de la consommation discrétionnaire et une confiance des ménages fragilisée.

A l'inverse, le commerce en ligne s'est montré plus résilient, avec un chiffre d'affaires de 960,9 millions de dollars, en croissance de 6,1 %, dépassant légèrement les attentes du marché. Ce canal représente désormais plus de 40 % des ventes globales, confirmant l'ancrage digital de la marque. Si la croissance y est modérée par rapport aux années de forte expansion post-Covid, elle reste un pilier stratégique, notamment sur les marchés internationaux.

Enfin, le canal "autres revenus" – comprenant notamment les ventes via des partenaires ou les événements spécifiques – a connu la plus forte progression, avec une hausse de 10,4 % à 256,7 millions de dollars. Cette performance souligne le potentiel de diversification de Lululemon au-delà de ses canaux traditionnels, mais reste encore marginal en volume.

En somme, la dynamique par canal reflète un déplacement progressif des habitudes de consommation : la marque conserve une assise solide en boutique, mais c'est bien le digital, soutenu par une stratégie omnicanale et logistique efficace, qui porte la croissance la plus stable.


Risques liés aux tarifs douaniers et aux prix : un nuage sur la rentabilité


Malgré des résultats trimestriels solides en apparence, les marchés ont sévèrement sanctionné Lululemon, avec une chute de plus de 20 % de son action, en grande partie à cause des risques géopolitiques et tarifaires qui pèsent sur ses coûts de production et sa capacité à maintenir ses marges.

Lululemon, comme beaucoup d'acteur du secteur textile, s'appuie massivement sur l'Asie pour sa production. En 2023, par exemple, 42 % des produits étaient fabriqués au Vietnam, 16 % au Cambodge, 11 % au Sri Lanka, 10 % en Indonésie, et 8 % au Bangladesh. En parallèle, les composants utilisés proviennent à 40 % de Taïwan, 26 % de Chine et 12 % du Sri Lanka. Or, plusieurs de ces pays sont aujourd'hui exposés à des hausses tarifaires potentielles dans le cadre de la politique commerciale américaine, notamment si l'administration Trump réinstaure ou renforce certaines barrières douanières.

Ces coûts supplémentaires pourraient contraindre l'entreprise à relever ses prix sur une partie de son catalogue, une décision qu'elle d'ailleurs déjà anticipée. La directrice financière, Meghan Frank, a confirmé que des augmentations "stratégiques" des prix seraient appliquées à certains produits, de manière ciblée. Toutefois, dans un contexte où la demande américaine montre des signes de ralentissement, la capacité des consommateurs à absorber ces hausses reste incertaine.

La pression se fait déjà sentir : la guidance pour le deuxième trimestre 2025 a été jugée décevante. L'entreprise prévoit un bénéfice par action ajusté entre 2,85 et 2,90 dollars, bien en dessous du consensus de 3,30 dollars. Cette prudence est directement liée à l'impact anticipé des droits de douane, mais aussi à des tensions sur les dépenses discrétionnaires des ménages américains, soumis à l'inflation et à une baisse de confiance.

En résumé, la forte dépendance de Lululemon à des chaînes d'approvisionnement asiatiques combinée à une baisse de la tolérance des consommateurs face aux hausses de prix constitue une double menace : l'une sur les marges, l'autre sur le volume des ventes. C'est cette vulnérabilité, plus que les résultats du T1 eux-même, qui inquiète aujourd'hui les investisseurs.


Quelles marges de manoeuvre pour Lululemon en 2025


Face à des résultats trimestriels globalement en ligne avec les attentes, mais une réaction boursière très négative, Lululemon se trouve à un point d'inflexion stratégique. Le contraste est saisissant : une croissance à deux chiffres à l'international, un e-commerce toujours performant, mais une Amérique du Nord sous tension, minée par une consommation en repli et des incertitudes macroéconomiques.

Pour 2025, le groupe a maintenu sa prévision annuelle de chiffre d'affaires (entre 11,15 et 11,30 milliards de dollars) et de bénéfice par action (entre 14,58 et 14,78 dollars), signe de confiance dans sa résilience. Mais cette stabilité apparente masque une réalité plus complexe : les leviers traditionnels de croissance (expansion géographique, hausse des prix, diversification produit) seront cette année confrontés à des vents contraires comme la pression sur les coûts, les tensions commerciales internationales, et la fragmentation de la demande selon les marchés.

Le recentrage stratégique de Lululemon sur l'international, notamment la Chine (+21 %), et son adaptation produit (homme, accessoire, fitness quotidien) pourraient constituer de relais solides. Mais la dépendance à la fabrication asiatique dans un environnement protectionniste américain devient un véritable point faible, appelant sans doute à une reconfiguration logistique ou un "reshoring" partiel si les tensions tarifaires s'aggravent.

En définitive, la sanction boursière ne reflète pas une faillite opérationnelle mais bien une crise de confiance vis-à-vis de la visibilité future du groupe. Lululemon reste une marque puissante, bien gérée, avec des fondamentaux solides. Mais la volatilité du contexte macroéconomique et commercial américain impose une vigilance accrue. Pour les investisseurs comme pour les analyste, 2025 s'annonce donc comme une année de transition critique, où la capacité du groupe à protéger ses marges sans sacrifier sa croissance sera scrutée de très près.


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