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John Donahoe a quitté son poste de PDG de Nike après cinq années marquées par des transformations majeures pour le géant mondial des vêtements et chaussures de sport. Son mandat, caractérisé par une poussée vers la vente directe aux consommateurs (DTC) et une forte croissance de la marque Jordan, laisse également en héritage des défis importants, notamment en Chine, où l'entreprise peine à maintenir son rythme de croissance.
L'annonce du départ de Donahoe et de la nomination d'Elliott Hill, vétéran de Nike, comme nouveau PDG a provoqué la hausse immédiate des actions de l'entreprise, témoignant de l'espoir des investisseurs quant à la capacité de Nike à surmonter ses difficultés actuelles. Mais alors que la stratégie DTC a montré des résultats mitigés et que le marché chinois continue de poser problème, la réussite de la marque Jordan, qui a doublé ses ventes sous l'ère Donahoe, reste l'un des plus grands succès de cette période.
L'accent sur la vente directe aux consommateurs : un pari risqué
L'un des changements les plus notables opérés par Donahoe est la transition accélérée vers le direct-to-consumer. Cette stratégie avait été amorcée sous son prédécesseur, Mark Parker, mais Donahoe en a fait une priorité centrale. En limitant les partenariats de distribution avec de grands de détaillants comme Foot Locker et Zappos, Nike cherchait à maximiser ses marges en vendant ses produits directement via son site, ses applications et ses magasins.
Cette approche, si elle a permis à Nike de mieux contrôler ses prix et de collecter davantage de données clients, a toutefois rencontré des résistances. En 2021, l'entreprise avait rompu avec plus de la moitié de ses partenaires de distribution, un mouvement critiqué par certains observateurs du secteur. En effet, Nike a sous-estimé la fidélité des consommateurs à leurs enseignes préférées, ce qui a permis à des marques concurrentes de grignoter des parts de marché.
L'ancien cadre de la société, Massimo Giunco, avait d'ailleurs critiqué cette stratégie en déclarant que de nombreux acheteurs « n'ont pas suivi Nike dans cette transition, mais ont continué à acheter là où ils le faisaient avant cette décision ». Devant ces difficultés, Nike a finalement rétabli certaines relations commerciales avec ses partenaires, une reconnaissance tacite des limites de la stratégie DTC.
Les chiffres sont révélateurs. En 2019, 32 % des ventes provenaient des canaux DTC, contre 44 % en 2024. Si cette progression témoigne d'un certain succès, elle a aussi mis en lumière les risques liés à une trop grande dépendance à ce modèle.
La renaissance de la marque Jordan
Là où Nike a triomphé sous Donahoe, c'est avec la marque Jordan. Ce qui était autrefois une ligne principalement centrée sur le basket-ball pour hommes est devenu un pilier majeur des revenus de l'entreprise. En diversifiant son offre pour inclure des produits lifestyle, des vêtements pour femmes et des partenariats avec des équipes sportives, notamment en dehors des États-Unis, la marque dédiée à la légende de la NBA a vu ses ventes exploser.
En 2019, les ventes de Jordan s'élevaient à 3,1 milliards de dollars. Cinq ans plus tard, elle atteignaient 7 milliards de dollars, représentant 17 % des revenus totaux de Nike. La marque Jordan a ainsi dépassé le stade des produits rétro et des sneakers pour devenir une référence mondiale, non seulement dans le basket-ball, mais également dans plusieurs sports.
Le partenariat avec le Paris Saint-Germain a été un tournant pour Jordan, marquant l'entrée de la marque dans le football européen. L'expansion s'est également poursuivie dans les collections féminines, avec une première gamme dédiée lancée en 2018. Cette évolution a consolidé Jordan comme une marque incontournable, non seulement en Amérique du Nord, mais à l'échelle internationale. Selon Donahoe, « Jordan est sur la voie pour devenir la deuxième plus grande marque de chaussures en Amérique du Nord, après Nike ».
La Chine : un marché en perte de vitesse
Si la croissance de la marque Jordan a été impressionnante, la plateforme de Nike en Chine a été bien moins flamboyante. Longtemps moteur de la croissance de l'entreprise, ce marché clé a vu ses résultats ralentir ces dernières années. En 2019, la Chine représentait 17 % des revenus de Nike, mais ce chiffre a diminué à 15 % en 2024. La période de croissance à deux chiffres, autrefois régulière, a cédé la place à une stagnation inquiétante.
Ce ralentissement s'explique par plusieurs facteurs. D'une part, la pandémie de COVID-19 a gravement affecté le commerce de détail en Chine, ce qui a freiné la demande. D'autre part, les tensions géopolitiques entre les États-Unis et le géant asiatique ont rendu les marques américaine moins populaires auprès des consommateurs chinois. Des concurrents locaux comme Li-Ning et Anta en ont profité pour prendre des parts de marché, mettant Nike sous pression.
La stratégie DTC, si efficace dans d'autres régions, s'est avérée moins performante en Chine. Le faible engouement des consommateurs chinois pour les canaux de vente directe a contraint l'entreprise à revoir ses prévisions à la baisse pour ce marché stratégique.
L'avenir sous la direction d'Elliott Hill
Le successeur de Donahoe, Elliott Hill hérite d'une entreprise à la croisée des chemins. Fort de plus de trois décennies d'expérience chez Nike, Hill devra gérer la transition vers une stratégie plus équilibrée, où le direct-to-consumer coexiste avec des partenariats de distributions solides. Les analystes de Citi ont salué cette nomination comme un signal clair que le géant de l'Oregon cherchera à rétablir un équilibre entre ses canaux distribution.
Eliott Hill prendra les rênes de l'entreprise à partir du 13 octobre 2024. Crédit image : Les Echos |
En même temps, Hill devra relever le défi du redressement en Chine, où les perspectives économiques sont incertaines. La stratégie future pourrait inclure un réinvestissement dans ce grand marché, tout en poursuivant la diversification des revenus à l'échelle mondiale, notamment à travers la marque Jordan et d'autres initiatives.
L'héritage de Donahoe est donc contrasté. D'un côté, il a su propulser la marque Jordan à des sommets et a fait des progrès significatifs dans l'approche DTC. De l'autre, Nike doit encore surmonter les obstacles en Chine et trouver un équilibre dans ses canaux de vente pour satisfaire à la fois ses consommateurs et ses partenaires commerciaux.
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